| Marketers are Storytellers | J'étais pas prêt... (4/6)
(Temps de lecture : 8min)
Parlons de framing.
J’ai déjà développé sur le sujet récemment, avec ce texte et ce GUTS.
Mais c’est le genre de concept qui fait tellement la différence quand tu le maîtrises, que ça vaut le coup d’en remettre une couche aujourd’hui. Surtout dans le cadre d’une série sur le storytelling.
Parce que finalement, le but ultime des histoires que tu racontes en tant que marketeur ?
C’est d’amener tes prospects dans un contexte psychologique et émotionnel (frame), au sein duquel tu représentes la meilleure/seule opportunité pour eux.
(Relis cette phrase deux trois fois. Imprègne-la dans ta matière grise. Elle est puissante.)
Revenons quelques années en arrière :
On est en juin 2017.
J’arrive pour la première fois à Ubud, sur Bali.
La ville est un haut lieu touristique, des voyageurs et expats occidentaux grouillent de partout dans les rues.
Tu ne peux pas faire dix mètres sans te faire héler par des chauffeurs de taxi ou des vendeurs à la sauvette. Les rizières et les temples, magnifiques en cartes postales, sont en réalité pris d’assaut par des hordes de touristes qui jouent des coudes pour faire gonfler leur audience Instagram…
… et à l’époque, avec l’état d’esprit dans lequel j’étais, j’ai purement et simplement DETESTÉ Ubud.
Ma soeur, qui est venue me rendre visite à ce moment-là, a dû littéralement me tirer par la peau du dos pour qu’on y passe quelques jours.
Puis deux années se sont écoulées. Deux années pendant lesquelles j’ai voyagé à plein temps en Thaïlande, en Malaisie, au Cambodge, au Vietnam, en Inde et en Pologne.
Lorsque je débarque pour la deuxième fois sur Bali, en mai 2019, je me dis sans trop y croire que je devrais donner une seconde chance à Ubud…
Je saute dans un taxi…
45 minutes plus tard, j’arrive à l’entrée de la ville…
Et là, contre toute attente…
… je suis tombé amoureux.
La ville (et ses alentours) est somptueuse.
L’architecture tellement atypique.
Une délicate odeur d’encens plane dans l’atmosphère.
Les gens sont d’une douceur, d’une gentillesse inégalables.
Les rizières environnantes sont les plus beaux paysages que j’ai vus de toute ma vie (notamment une, complètement délaissée par les touristes qui est, de tous les endroits que j’ai visités sur terre, celui qui s’apparente le plus au paradis. C’est mon petit secret à moi, je ne le partage pas eheh… Tout ce que je peux te dire c’est qu’elle est à 5 minutes de scooter de la rizière la plus touristique d’Ubud)
J’ai tellement aimé ce que j’ai ressenti à ce moment dans cette ville, que j’ai décidé de m’y installer pour un mois, dans un homestay chez une famille adorable, avec une vue plongeante sur la jungle depuis ma chambre.
Expérience de dingue, l’un de mes meilleurs souvenirs de voyage.
Pourtant ?
J’étais toujours moi, Jean-loup, et c’était toujours Ubud, cette ville que j’avais détestée deux ans plus tôt.
Une même personne.
Un même lieu.
Deux perceptions différentes.
En deux ans, les expériences que j’avais vécues et les informations auxquelles j’avais été confronté avaient modifié le contexte psychologique et émotionnel dans lequel je me trouvais : ma frame.
Et comme ma frame était différente, je percevais la réalité différemment. Les lunettes à travers lesquelles je regardais Ubud m’en renvoyaient une image nouvelle, radicalement opposée à ce que je voyais deux ans plus tôt.
Mon attention n’était plus attirée par les mêmes aspects. Je n’étais plus dérangé ou enthousiasmé par les mêmes choses, car mes croyances, mes attentes, ma vision avaient changé.
Prenons un autre exemple :
Je te parle souvent de Seth Godin. Un type que je considère comme l’un de mes mentors marketing aujourd’hui, dont je m’inspire énormément tellement son travail me fascine et résonne pour moi (il est à des années-lumière du peloton des marketeurs selon moi).
Je l’ai découvert en 2017, au tout début de mon aventure sur le web. L’un de ceux qui m’avaient motivé à me lancer, Jean Rivière pour ne pas le citer (salut Jean !), en parlait beaucoup à l’époque. Du coup je suis allé jeter un oeil.
J’ai acheté son livre Tribes.
J’en ai lu un chapitre.
Puis un deuxième.
Et puis j’ai refermé le bouquin…
… et je suis passé à autre chose.
Trois ans plus tard ?
Le titre de son dernier livre attire mon attention : This is Marketing.
Moi du marketing… ça faisait trois ans que j’avais l’impression d’en faire. Du coup, quand un type me dit que le marketing, c’est ÇA et pas autre chose, je suis curieux de savoir de quoi il parle.
J’achète son bouquin.
J’en lis un chapitre.
Puis un deuxième…
… et là j’ai une révélation.
Je dévore le livre en une journée.
Puis j’achète un à un tous ses autres bouquins
Et je les enfile compulsivement comme Serge enfilait les Gitanes.
Seth Godin avait su mettre des mots sur ce que je ressentais, ce que je croyais, ce que je voulais.
Ses histoires ont rejoint celles que je me racontais à moi-même, à ce moment-là.
Et ça a créé un déclic en moi.
Pourtant ?
J’étais toujours moi, Jean-loup, et c’était toujours Seth Godin, celui dont les idées n’avaient pas retenu mon attention trois ans plus tôt.
Même lecteur.
Même auteur.
Mêmes idées.
Deux perceptions différentes.
En fait, lorsque je l’ai découvert trois ans plus tôt, je n’ai pas accroché parce que je n’étais pas prêt psychologiquement à recevoir son message.
Trois ans plus tard, les expériences que j’avais vécues et les informations avec lesquelles j’avais été en contact, avaient transformé mes croyances, mes attentes, ma vision des choses.
Ma frame était différente.
Et à ce moment-là, j’étais prêt.
Prêt à vivre cette épiphanie.
Ce que je voudrais que tu retiennes de ce mail, en tant que créateur ?
C’est qu’avant même de te connaître, tes prospects se racontent certaines histoires à eux-mêmes.
Ils ont certaines croyances.
Certaines idées sur les choses.
Sur eux-mêmes.
Sur les créateurs comme toi.
Ils sont dans une certaine frame, et c’est cette frame qui détermine de quelle façon ils reçoivent ton message. Comment ils réagissent à tes publicités, à tes contenus, à tes offres.
Un même message peut générer un déclic chez une personne si elle est prête à le recevoir…
… ou tomber complètement à plat si elle ne l’est pas.
Cependant, même si une personne n’est pas prête à un moment donné de sa vie, elle peut le devenir. Les frames changent au fil des expériences que nous vivons et des informations que nous recevons.
Certains marketeurs parlent d’IMPOSER une frame. Je ne pense pas que ce soit possible, ni enviable.
Nous, humains, avons besoin de parcourir personnellement le chemin psychologique de la version A à la version B de nous-mêmes. On ne peut pas nous l’imposer.
Si j’étais prêt à recevoir le message de Seth Godin la seconde fois, c’est parce que pendant trois ans j’avais essayé tout un tas de trucs, rencontré des gens, échoué souvent, réussi parfois… et que le mélange de tout ça avait changé ma perception des choses.
C’est en faisant la route, par moi-même, que ma frame s’est peu à peu transformée.
Tu ne peux pas créer un déclic chez quelqu’un qui n’est pas prêt.
Et tu ne peux pas lui imposer d’être prêt.
Tu ne peux pas le pousser.
En revanche, tu peux capter son attention en racontant des histoires qui résonnent avec celles qu’il se raconte déjà.
Et tracer subtilement le chemin pour lui vers la version B de lui-même, afin qu’il soit prêt à recevoir ton message au moment où tu décideras de le délivrer.
This is framing, baby.
Et oui, c’est fascinant, largement plus enthousiasmant que le marketing dans-ta-face de la plupart des marketeurs, et surtout beaucoup plus efficace.
Parce que lorsque tu maîtrises ça, le process est fluide : depuis le moment où ils te découvrent jusqu’à ce qu’ils décident de devenir clients, tes prospects avancent naturellement, vivent une expérience enrichissante et se sentent évoluer à tes côtés.
À aucun moment ils ne sont poussés : ils sont naturellement attirés par tes offres au bon moment pour eux, lorsqu’ils sont prêts.
Bref.
1277 mots, j’ai (encore) manqué lamentablement mon objectif de faire un mail court.
Et pas dis que j’y arrive demain non plus : ce que j’ai pour toi dans les tuyaux mérite qu’on y passe un peu de temps…
— Jean-loup
PS : ce mail était le quatrième d’une série de six. Si tu ne souhaites pas recevoir les suivants, il te suffit de cliquer ici pour te désinscrire de la séquence (et si tu souhaites te désinscrire complètement de ma liste, tu trouveras un lien tout en bas de chaque mail)